Aujourd'hui nous sommes le : 21/09/23.   
Nous disposons désormais de la couronne d'éclisses, du manche et de sa touche, du fond et de la table. Mais, dans quel ordre va t'il falloir assembler toutes ces pièces ?
La pratique la plus courante consiste à réaliser d'abord la caisse harmonique (fond, table, éclisses) et, ensuite d'y coller le manche. La méthode moderne enclave le pied de manche dans une mortaise creusée dans l'éclisse et le tasseau de la caisse.
Le manuel introduit une variante qui consiste à coller le manche avant de poser la table. C'est, à mon avis, préférable car cela permet d'assurer un meilleur collage du manche en utilisant une vis de serrage, par contre cela ne facilite pas le contrôle du renversement. L'ordre des opérations est alors le suivant: collage du fond, désolidarisation du moule, collage du manche puis enfin collage de la table.
Pourtant, à la lecture du mode opératoire pour ajuster le pied de manche dans la mortaise, je suis un peu inquiet vis à vis de la difficulté de la tâche. Il s'agit, ni plus ni moins, d' ajuster simultanément 4 faces d'appui qui doivent joindre parfaitement en respectant à la fois l'alignement manche/instrument, la valeur de l'angle du renversement (au 1/10ème de mm près cf. renversement) et l'absence d'inclinaison latérale dudit manche. Je cherche donc naturellement un moyen de réduire cette difficulté. J'entrevois une bonne solution qui consiste à commencer par coller le manche sur la couronne d'éclisses àlors que celle ci est encore fixée sur le moule. L'ordre d'assemblage devient: collage du manche sur la couronne d'éclisses, collage du fond, désolidarisation du moule et enfin collage de la table. En procédant ainsi il ne reste que 3 (!) faces d'appui à joindre simultanément. En fait, le travail est facilité davantage qu'il n'y parait car, sans être gèné par le fond, il est aussi beaucoup plus facile de creuser et d'ajuster la mortaise.
Si le fond est collé avant de désolidariser le moule c'est pour garantir la non déformation de l'assemblage et en conséquence réduire le risque de modification de la valeur du renversement.
Mais si cette manière de faire apparaît séduisante alors pourquoi personne ne procède de la sorte ?
En fait, ce n'est pas tout à fait "personne". J'ai trouvé ( toujours sur internet !) le site de David Rubio qui utilisait cette méthode.
Pourquoi alors cette méthode reste si peu répandue, du moins dans les documents disponibles? J'ai glané une réponse assez convaincante sur le forum Maestronet. Durant le 19ème siècle une importante activité des luthiers consistait à changer, en les modifiant, les manches des violons du siècle précédent. Ils ont donc développé la technique qui permet d'enclaver un nouveau manche dans une boîte harmonique existante. La technique étant rodée et bien maîtrisée, elle a aussi été utilisée pour des violons neufs. Finalement elle est entrée dans la tradition qui, comme chacun sait, n'a pas besoin de justification pour perdurer.
Je commence par dessiner précisément le contour du pied de manche.
Puis je découpe le pied de manche avec ma scie japonaise.
la touche est positionnée au besoin sur le manche afin de contrôler le renversement durant l'ajustement.
Il faut commencer à tracer et découper la mortaise. Le tracé est effectué en reportant le contour du pied de manche et la découpe est faite 1mm à l'intérieur de ce tracé. C'est là que l'on apprécie le fait qu'il soit possible de découper à la scie sur la couronne d'éclisses, ce qui serait beaucoup moins aisé si le fond ou la table était en place.
Après découpe la mortaise est terminée au ciseau puis à la lime.Il reste à en ajuster les bords.
Le diable est dans les détails, paraît il. Je n'avais pas pensé à la mortaise lorsque j'ai mis en place le pion de centrage. Je perce donc un nouveau trou en arrière du trou initial dans le but de conserver ce dispositif indispensable au positionnement de la table lors des opérations à venir.
La table est bien maintenue en place par les pions et l'élastique d'abord pour y dessiner la mortaise puis, ensuite, pour en contrôler la réalisation.
Le manche peut être enclavé dans son logement. Pour l'ajustement il suffit (!) de limer les cotés de la mortaise de manière symétrique jusqu'à ce que l'appui (hauteur de dépassement du manche au dessus de la table) atteigne la valeur recherchée +1mm. Ce mm en trop est nécessaire car le manche doit être ajusté légèrement en force. En effet, Il doit être possible de tenir l'ensemble éclisses+moule/manche par le manche sans que celui ci ne se détache (avant collage bien sûr) mais il n'est tout de même pas question de faire des moulinets au dessus de sa tête avec lui !
Il faut contrôler périodiquement, en même temps que l'on ajuste, l'alignement du manche avec la caisse et l'absence d' inclinaison latérale. On voit, ci après que mon nouveau pion de centrage n'est pas vraiment sur la ligne de joint ! Ce n'est pas génant car le contrôle se fait avec le pion de l'autre bout (très flou au fond, coté cordier). Avec une ficelle fixée sur ce dernier on aligne très bien le trait au centre du manche et la ligne de joint de la table.
Il faut aussi, et toujours en même temps, contrôler périodiquement le renversement (voir photo plus loin), Je l'avais préréglé par la découpe initiale du manche à la scie circulaire qui visait à donner d'emblée l'angle adéquat au manche.J'ai quand même du le retoucher légèrement en limant le fond de la mortaise.
A la fin de ces opérations délicates la mortaise est prête.
ce moment, j'immobilise l'assemblage en perçant un avant trou et en insérant une vis. On voit que le talon du pied de manche n'est absolument pas fini. Cela n'est pas utile à ce stade et pourra avantageusement être fait après le collage du manche sur la couronne d'éclisses. Il sera alors plus facile d'araser ce plan du talon pour l'aligner avec celui des éclisses juste avant de coller le fond sur les éclisses.
La vis étant en place je peux faire un ultime contrôle du renversement avant collage.
La suite est simple. J'enlève la vis, j'encolle les surfaces des 2 parties et je remets la vis pour serrer l'assemblage. Je vérifie une dernière fois que le collage n'a modifié ni le renversement ni les deux alignements évoqués plus haut. il ne reste plus qu'à attendre la prise de la colle.
25mm c'est bon.
A propos de la vis
L' usage d'une vis est très controversé, pourtant on voit bien que c'est une très bonne manière d' assurer le positionnement et de bien serrer le collage sur le fond de la mortaise. Si l'on utilise un serre-joint qui ne peut pas bien porter coté manche le serrage n'est pas orienté correctement. On peut aussi remarquer que si la table est déjà collée avant montage du manche, le serrage est tout bonnement impossible. Le seul inconvénient de la vis apparaît si elle reste en place comme c'était le cas pour les montages baroques. Il est alors impossible de changer le manche sans détabler.
Des détails précis sur les assemblages d'instruments baroques et modernes peuvent être trouvés ici: http://williammonical.com/Shapes-of-the-Baroque.pdf
J' ai choisi d'enlever la vis après le collage. Et, je n'ai pas réutilisé cette méthode sur d'autres instruments.
Pour préparer l'assemblage du fond je réalise d'abord une répétition générale qui me permet de m'entraîner et de relever le temps que requiert l'opération. Il me faut une douzaine de minutes pour mettre en place tranquillement l'ensemble des presses à tabler (serre-joints spécifiques).
L'expérience des collages précédents m'a montré que la colle refroidit plus vite que cela si l'on ne prend pas de précautions particulières.
Une méthode envisageable est le collage par parties décrite dans les manuels de Tolbecque et Milland, mais je ne suis pas très inspiré par cette méthode alternative. Je décide donc de travailler dans un local chaud et, en chauffant les pièces comme le pratiquaient, autrefois, les ateliers d'ébénisterie lorsqu'ils avaient des pièces de dimensions importantes à coller. Je squatte donc la chambre d'amis plus facile à chauffer que mon atelier et je complète le chauffage central par un radiateur électrique qui monte la pièce à 25°. De plus je pose les pièces à coller sur un support au dessus du radiateur ce qui me permet de les porter au voisinage de 40°. Avec ces dispositions je dispose de pas loin d'1/2 heure pour réaliser la mise en place du collage. C'est suffisant pour pouvoir travailler sans stress.
Les pièces chauffent.
Je mets aussi la colle en chauffe.
J'encolle le fond et les éclisses. Je dispose les serre-joints. Le collage est en place.
J'ai mis un serre-joint supplémentaire au niveau du talon du manche.
C'est maintenant qu'il faut désolidariser le moule. J'ai redouté cette étape, car je sais que j'ai eu la main un peu lourde pour le collage des tasseaux. Normalement une goutte de colle aurait suffi mais, comme c'était le début, je n'ai pas vraiment su me limiter.
Ouf...cela s'est passé sans encombre. Le moule devrait même pouvoir resservir.
Je commence par profiler l'intérieur des tasseaux et des coins pour rejoindre ce qui a été fait coté fond.
Je creuse les petites mortaises des C.
Les contre-éclisses sont taillées, cintrées, collées et profilées.
Détail de finition: raccord du C dans la mortaise du coin.
La caisse est désormais prête à recevoir la table après la pose de l'étiquette sur le fond. Comme l'écrit P. Altenburger (et d'autres...) c'est vraiment un moment émouvant.
Je passe une dernière fois le plan de joint sur ma table à poncer
Les pièces chauffent...
La table est collée. J'ai dilué la colle de manière à obtenir une colle dite "claire' ce qui rend ce collage plus facilement réversible.
Il ne reste plus qu'à chanfreiner et arrondir les bords et le violon sera prêt à être monté.
Publication initiale 23 août 2017
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